Nike est-t-elle une marque responsable ?

Nike est-t-elle une marque responsable ?

Quels sont ses impacts de l'environnement, les travailleurs, la santé et les animaux ? Découvrez l'évaluation indépendante réalisée par Clear Fashion


Nike aborde le développement durable comme on aborde une campagne marketing : une signature punchy “Move To Zero”, des objectifs “inspirants” et des visuels impactants. Après l’agitation, que se cache derrière la marque de sport internationale ? Quels sont les engagements de Nike ?

 

Décryptage réalisé le 21 juillet 2022, les scores sont susceptibles d’avoir évolué depuis la publication de cet article. Clear Fashion est un tiers-indépendant qui vérifie les engagements des marques et analyse l’impact de leurs vêtements. Lors de notre enquête, la marque n’a pas souhaité répondre à nos questions. Notre analyse se base sur les déclarations publiques de la marque. Pour en savoir plus sur notre méthodologie d’évaluation : cliquez ici.

 

Quels sont les impacts de Nike sur l’environnement ?

Nike s’engage dans une démarche visant à atteindre le zéro déchet et une empreinte carbone nulle afin de protéger le futur du sport.” (source : site internet de Nike)

On salue la politique environnementale de Nike qui permet de réduire les chutes de production. Ces chutes sont produites au moment de la découpe des pièces dans le tissu, et engendrent habituellement une grande quantité de déchets textiles. La marque souhaite atteindre le “zéro déchet”, mais ne précise pas d’échéance. Dans une démarche de transparence, il serait intéressant d’accompagner cet objectif ambitieux d’une date.

Concernant les pratiques de Nike limitant son impact sur l’environnement, on peut souligner que la marque fabrique certains de ses vêtements à partir de matières recyclées. Ces dernières peuvent être créées à partir d’anciens vêtements ou de bouteilles en plastique. L’avantage est que leur utilisation permet de réduire le gaspillage et les déchets textiles. On ne connaît malheureusement pas le pourcentage de vêtements qui sont réellement produits à partir de matières recyclées… Aussi, bien que recyclées, ces matières n’en restent pas moins synthétiques. Ainsi, tout comme comme un vêtement fabriqué à partir de matières synthétiques “conventionnelles”, celui libera de nombreuses microparticules de plastique lors de chaque lavage.

Dans une situation où un business repose sur la vente de produits, la notion “d’empreinte carbone nulle” n’a pas de sens. Nike pourrait à la rigueur parler de neutralité carbone et cesser par exemple de transporter sa marchandise par avion. L’avion c’est de loin le transport le plus polluant en termes d’émissions de CO2. La marque pourrait opter pour un transport en bateau qui est plus doux et bien plus respectueux de notre planète.

“Pour aider à protéger le futur du sport, nous n’attendons pas les solutions, nous les créons.” (site internet de Nike)

C’est une très forte promesse de Nike. En l’absence d’informations complémentaires permettant de comprendre les solutions développées par Nike pour “protéger le futur du sport”, on vous partage quelques idées :

  • Nike pourrait limiter le nombre de collections qu’elle propose chaque année… La marque distribue entre 7 à 12 collections par an. Et le problème, c’est que le renouvellement fréquent des collections pousse à la surconsommation et à la surproduction, et va à l’encontre de sa politique “zéro-déchet” puisque cela crée une sorte d’obsolescence programmée.
  • Créer un service de réparation qui permettrait aux client·e·s de garder leurs vêtements le plus longtemps possible. Cette option aiderait Nike à limiter sa production de déchets textiles.
  • Pour les matières recyclées, Nike pourrait s’orienter préférentiellement vers du recyclage d’anciens vêtements plutôt que des bouteilles pour réduire réellement la quantité de déchets textiles ?

👉 Sur le volet environnemental, Nike obtient le score de 19/100. La marque cherche à réduire ses émissions de CO2 en réduisant notamment les chutes de production et en utilisant des matières recyclées. Nike pourrait considérablement améliorer ses pratiques en limitant la fréquence de ses collections et en bannissant le transport de marchandise en avion.

 

Quels sont les impacts de Nike sur les ouvrières et les ouvriers ?

⚠️ Avant de rentrer dans le détail des pratiques de Nike, l’information principale à retenir est que la marque est accusée de participer à l’exploitation des Ouïghours.

Nike a répondu à ces accusations. La marque réfute les accusations et affirme ne pas (ou ne plus) travailler avec les usines incriminées dans le rapport de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Voir les marques impliquées

“Nike s’engage pour une fabrication éthique et responsable et respecte les normes internationales du travail.”

Les chaînes de fabrication étant globalisés, il est courant pour les marques de sous-traiter de nombreuses étapes de fabrication d’un vêtement. Aussi, Nike réalise des audits sociaux uniquement à la dernière étape de fabrication des vêtements : la confection. Ces contrôles sont effectués par un organisme externe qui garantit que 5% des fournisseurs sont audités aléatoirement chaque année. Ce qui signifie aussi que 95% des fournisseurs ne sont pas audités chaque année… Nike ne s’intéresse malheureusement pas aux conditions de travail des employé·e·s présents aux quatre premières étapes de fabrication (la production de matières premières, la création du fil, le tissage-tricotage et l’ennoblissement). Pourtant, les conditions de travail des ouvrier·e·s sont y souvent très dures. C’est pourquoi il est important de contrôler les usines afin d’y vérifier les conditions de travail pour pouvoir répondre à des questions simples : est-ce que la sécurité des travailleurs est assurée ? Est-ce que l’âge minimum est respecté ? Est-ce que le travail est forcé ?

Concernant la santé des ouvriers, on peut souligner un vrai point positif : Nike interdit la technique du sablage manuel ou mécanique. En plus d’être une action à moindre impact environnemental, c’est également une mesure essentielle pour la santé des travailleurs. Les ouvriers qui font ce travail sont exposés à la poussière de silice qui s’introduit dans leur organisme par les oreilles, le nez et la bouche. Ils peuvent développer une maladie appelée la silicose susceptible d’évoluer en cancer.

👉 Sur les conditions de travail des ouvrier·e·s, Nike obtient le score de 26/100. La marque pourrait être nettement plus exigeante vis-à-vis de ses pratiques. La première étape serait de connaître tous ses fournisseurs pour ensuite réaliser des audits sociaux à toutes les étapes de fabrication.

 

Quels sont les impacts de Nike sur la santé de ses client·e·s ?

Nike reste très discrète sur les impacts de ses vêtements sur la santé de celles et ceux qui les portent. On peut pourtant relever plusieurs points.

Pour communiquer auprès de ses client·e·s, Nike tient une liste des substances restreintes dans sa chaîne de production. En publiant ses infos, la marque fait preuve de transparence.

La marque interdit l’utilisation de 4 substances chimiques nocives : les alkylphénols, les composés perfluorocarbures, le chrome VI et les retardataires de flemme halogénés. Nike n’interdit par contre pas l’utilisation des phtalates dans sa chaîne de production. On retrouve les phtalates dans les plastiques mous (par ex : les logos collés sur les vêtements, qu’on retrouve fréquemment chez Nike). Des études ont montré que les phtalates peuvent interférer avec le développement des testicules en bas âge. En Europe, ils sont classés “toxiques pour la reproduction”.

Nike ne réalise malheureusement pas d’audits de toxicité au long de la filière. Pourquoi est-ce que ces audits sont primordiaux ? Au cours de la chaîne de production, les ouvrier·e·s peuvent être en contact avec de nombreuses substances chimiques ou être amenés à les manipuler. C’est donc important de s’assurer que les conditions d’utilisation de ces substances sont bien respectées et qu’elles ne présentent pas de risques pour les travailleur·e·s.

👉 Concernant son impact sur la santé de ses client·e·s, Nike obtient le score de 42/100. On salue le fait que la marque publie la liste des substances restreintes, c’est un réel gage de transparence. Pour aller plus loin, Nike pourrait prévoir des audits de toxicité qui assureraient de meilleures conditions de travail aux employé·e·s.

 

Quels sont les impacts de Nike sur les animaux ?

Quand on pense à Nike, on fait difficilement le lien avec l’utilisation de matières animales, pourtant ces matières sont utilisées sur les baskets, les sacs et également dans les doudounes.

Dans sa production, Nike utilise du cuir, du duvet (issus d’élevage de canards et oies), des plumes… Les conditions d’élevage dépendent bien-sûr de l’usine concernée. Or, L’absence d’information laisse le doute sur les conditions dans lesquelles ces matières sont prélevées. Les risques de maltraitance et de souffrance sont élevés. D’ailleurs, la marque utilise en partie de la laine angora, très controversée. Il s’agit d’une espèce de lapin à qui l’on tond ou l’on arrache les poils. Ce procédé peut causer de nombreuses souffrances. La marque aurait tout intérêt à bannir ces matières, et à être plus transparente sur ces pratiques.

👉 Nike obtient le score de 34/100. La marque pourrait s’améliorer en réalisant par exemple des audits ou des visites dans les élevages pour vérifier les risques de souffrance des animaux.

 

Ce qu’on peut retenir sur les engagements de Nike 

La politique RSE de Nike est entièrement tournée vers l’environnement. La marque souhaite atteindre le zéro déchet (sans préciser de date, et sans inclure la notion de surproduction…) et ainsi qu’une empreinte carbone nulle. On peut se demander si ces objectifs sont réalistes en maintenant une production aussi intensive.

Elle se concentre sur l’usage de matières recyclées et exclue des solutions tangibles qui lui permettraient de toucher du bout des doigts ses objectifs. En dehors des impacts indiscutables sur l’environnement, Nike est surtout accusée de participer à l’exploitation des Ouïghours… mais continue de nier toute implication. Elle gagnerait en transparence si la marque publiait la liste des fournisseurs avec lesquels elle collabore, et ce à toutes les étapes de fabrication des vêtements. Pour en savoir plus sur les impacts de la marque et découvrir ses notes, rendez-vous sur l’app !

Vous pouvez désormais découvrir l’évaluation détaillée de Nike sur notre app web :


 

Comment Clear Fashion vérifie les pratiques des marques ?

Le combat de Clear Fashion est de faire de la transparence la norme du secteur. Aussi, nous contactons toutes les marques afin de leur demander des informations complémentaires sur leurs pratiques. Nike n’a pas répondu à nos sollicitations, nous considérons qu’il s’agit d’un risque potentiel et nous n’accordons pas les points. La demande des consommateurs est une vraie source de changement pour les marques ! Ensemble, nous avons le pouvoir de les inciter à faire preuve de transparence en leur demandant l’affichage du Fashion Score.